Tous les soirs, et comme dans d’autres pays, des citoyens sur leurs balcons, confinement oblige, applaudissent les médecins tunisiens, nos héros en ces temps dramatiques. Ils sont sur tous les fronts, mobilisés pour nous, ne comptant ni leurs heures, ni leur peine, et nous oublions que eux aussi ont une famille.
Nous avons contacté certains médecins pour nous rassurer certes, mais aussi pour savoir comment ils géraient cette situation si difficile. Nous avons découvert un dévouement, une solidarité magnifique, des initiatives inédites et intelligentes.
Urgences
Docteur Zarrouk est médecin-urgentiste. Son métier consiste à se déplacer et prendre en charge les malades en détresse. Aussi est-il coutumier, certainement, des appels au secours, des patients affolés, des malades inquiets. Mais comment cela se passe-t-il au temps du coronavirus ? La pratique est-elle la même, ou répond- elle à d’autres règles ?
« Je commence par un interrogatoire au téléphone. Tout est à prendre en compte à ce niveau, les signes prémonitoires : fièvre, toux. Bien sûr, il ne faut pas méconnaître la possibilité d’autres viroses. Il faut également tenir compte du contage, savoir si le malade a côtoyé d’autres personnes contaminées ou serait de retour d’un récent voyage, et serait susceptible d’être victime de contagion.
A partir de là, le Dr Zarrouk sait s’il doit se déplacer ou, si la maladie est fortement suspectée, appeler le 190, lequel viendra faire un prélèvement et prendra en charge le malade.
Mais ne dit-on pas que le 190 ne répond pas et qu’il est extrêmement difficile de joindre le SAMU ?
« Non, c’est faux. Il est vrai que le SAMU a pu être débordé au départ, mais il a élargi son standard et répond pour peu que l’on insiste. Alors, bien sûr, il ne viendra pas dans l’heure qui suit, au vu de la situation, mais certainement dans les 24 heures, et fera le tri. Le médecin coordinateur posera alors au malade les mêmes questions que moi, vérifiera qu’il lui donne bien les mêmes réponses. Le patient est par la suite pris en charge par la santé publique, ce qui permettra sa traçabilité.»
Quant aux autres, ceux dont la maladie n’a pas été confirmée, inquiets mais pas particulièrement fatigués, le médecin les place en confinement, et les suit par WhatsApp ou vidéoconférence, au rythme d’un appel toutes les deux heures. Mais ne dit- on pas que les Tunisiens ne sont pas disciplinés et ne respectent pas le confinement? « Là encore, je n’adhère pas. J’ai une clientèle éduquée, potentiellement respectueuse des prescriptions médicales, et disciplinée en ce domaine. »
Une autre question que se posent les Tunisiens : pourquoi ne pourrait-on pas faire les tests dans des laboratoires en ville ? Ne fût-ce que, pour certaines personnes inquiètes et qui en ont les moyens, pour être rassurées et ôter tout doute, mais aussi et surtout pour alléger les laboratoires publics.
« Il y a trois laboratoires de référence : celui de l’Hôpital Charles Nicolle, celui de l’Institut Pasteur et celui de l’Hôpital Militaire. Eux seuls sont habilités à faire les tests. Et là, je dois avouer que je ne suis pas d’accord. Des laboratoires privés peuvent acquérir le matériel nécessaire. Ces laboratoires seraient sélectionnés et contrôlés par des inspecteurs du ministère de la Santé. Ce serait des laboratoires référents connectés avec le réseau national de détection du coronavirus, ce qui permettrait de désengorger les laboratoires publics. Après tout, on l’a bien fait pour les cliniques. »
Médecins sur le front
Drr Rached Hamzaoui est médecin généraliste de libre pratique à Kasserine. Il est membre du Conseil de l’Ordre des Médecins et président du Syndicat des médecins de libre pratique de Kasserine. Il fait partie de la très belle initiative des médecins qui font circuler une liste de praticiens disposés à répondre aux questions des malades et à les orienter.
« C’était un groupe fermé à l’origine, qui, très vite, a circulé sur la Toile et a provoqué une extraordinaire adhésion. Comme il n’était pas question de nous faire de la publicité, nous ne précisons ni notre spécialité, ni notre lieu de travail. On m’a appelé de Suisse, de Belgique, nous recevions jusqu’à 40 appels par jour, alors que nous étions sensés répondre sur la page. En fait, les gens avaient surtout besoin d’être rassurés.»
Alors pratiquement, comment cela se passe-t-il ?
Le docteur opère à un pré-triage effectué selon une classification établie dotant chaque étape d’un certain nombre de points : 2 points pour une fièvre, 2 points pour une toux et une dyspnée, 2 points pour une possibilité de contagion, 1 point pour un mal de gorge, 1 point pour une insuffisance respiratoire, cardiaque ou rénale, 1 point pour diarrhées, nausées ou vomissements. Au-delà de 4 points, le malade est suspect, et, en fonction du degré de gravité, il est appelé à rester obligatoirement chez lui et à contacter le Shoc room (Centre stratégique d’opérations sanitaires) ou le SAMU.
Mais le docteur Hamzaoui est inquiet. « Kasserine, vous le savez, est considéré comme un désert médical. Dois- je ouvrir mon cabinet, demain, ou fermer et laisser mes malades, qui peuvent avoir d’autres maux, livrés à eux-mêmes ? Je n’ai aucun moyen de triage à mon niveau, les malades dans ma salle d’attente, puis dans mon bureau peuvent être atteints, et contaminer les autres malades, ma secrétaire et moi-même, le temps de les dépister. Puis- je demander à un malade cardiaque, diabétique ou hypertendu, nécessitant un suivi, de ne pas venir ? Pour le moment, j’adopte une formule peut-être peu déontologique, mais à la guerre comme à la guerre : je leur renouvelle leurs ordonnances à la porte du cabinet et les renvoie chez eux, c’est un moindre mal. » Une lueur d’espoir, cependant : une nouvelle clinique ouvre d’urgence à Kasserine cette semaine : elle est dotée de quatre respirateurs, alors que l’hôpital de la région n’en a que deux, et sera vouée à accueillir les malades du Covid- 19
« Alors que dire sinon que cette initiative offrant une liste de contacts est magnifique. Il n’y a plus de médecins privés ou publics, il n’y a que des gens qui veulent aider », conclut le Dr Hamzaoui.
Liste des médecins courageux
Docteur Omar Gharbi est ophtalmologue. Et c’est à l’initiative d’une de ses collègues, le Dr Safia Bouzid qu’est née l’initiative.
« Le Dr Safia Bouzid nous a contactés, nous ses confrères ophtalmologues, avant d’élargir la liste à d’autres médecins d’autres spécialités, et nous a demandé de nous mettre à la disposition des citoyens. La première liste comptait 40 personnes, nous sommes plus de cent à ce jour. Au début, les gens appelaient pour n’importe quoi, et nous recevions 600 à 700 appels par jour. Il s’agissait, en premier lieu, d’expliquer, de rassurer. Et puis d’effectuer le premier triage afin d’alléger les autres structures. Nous sommes le premier rideau. On élimine les cas anodins, une diarrhée, un bébé qui hurle, et orientons les cas suspects vers les cellules Shoc Room, centres stratégiques d’opérations sanitaires, et les très suspects vers le 190».
La plupart des médecins de la liste ont fermé leurs cabinets et se sont mis à disposition des citoyens. Mobilisés pour alléger le travail du SAMU débordé, ils trient les malades en amont, suivent de très près les cas suspects et n’hésitent pas à contrôler l’évolution de leur état en les appelant toutes les deux heures s’il le faut.
Corona Bot, le robot qui rassure
Et puis, depuis quelques jours, a été créé un site, Corona Bot, plateforme d’information sur laquelle nous répondons aux questions des malades. Corona Bot est un robot. Mais un robot basé sur l’intelligence artificielle, auquel on a appris à répondre aux questions relatives au corona. Il s’exprime en arabe, en français et en arabe dialectal. On nous dit même qu’il peut vous raconter des anecdotes. Entièrement conçu et créé par des compétences tunisiennes, à l’initiative de Vneuron, ce robot que vous trouverez sur Facebook ou Messenger, anime un chatbot, répond à vos questions, rassure, et peut même aller plus loin. Si vous lui demandez de contacter un médecin, il vous mettra en liaison avec une plateforme où une centaine de médecins sont disponibles pour vous informer, vous orienter, vous conseiller. Ces médecins relèvent de toutes les disciplines, pneumologues, psychologues, généralistes, gériatres, ophtalmos, ORL, urgentistes, neurologues. Tous ont un login qui leur donne accès à cette plateforme, et il est certainement plus aisé de les contacter que si on les appelait un à un au téléphone.
Mis en ligne jeudi dernier, Corona Bot a reçu 9.000 appels de citoyens. Les médecins, connectés depuis dimanche soir seulement, après avoir subi une formation, ont reçu, quant à eux, quelque 500 appels en une journée.
Liberte
25 mars 2020 à 09:06
Covid-19: un navire d’équipements médicaux destiné à la Tunisie détourné vers l’Italie?
14:43 24.03.2020(mis à jour 02:06 25.03.2020)
Par Hanène Zbiss
Dossier: Propagation du coronavirus dépisté en Chine – 2020
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Retour au temps des corsaires? Après l’affaire des masques tchèques, un présumé détournement par les Italiens d’un navire d’équipement médical à destination de la Tunisie enflamme la toile. Mais cette «révélation» du ministre du Commerce tunisien commence à faire pschitt, après qu’il a partiellement botté en touche.
C’est un véritable pavé dans la mare… nostrum! Lundi soir 23 mars, lors d’un passage à la télévision, le ministre du Commerce tunisien Mohamed Sellini a fait cette révélation: un navire chargé d’alcool à usage médical à destination de la Tunisie aurait été «détourné par les Italiens»!
«Je vais vous dire quelque chose qu’ignorent, probablement, beaucoup de Tunisiens. Il y avait un navire qui se dirigeait vers la Tunisie, qui a été volé [sic] en mer. Les Italiens l’ont détourné», accuse le ministre sur le plateau de la station de télévision privée Al Hiwar Ettounsi.